Une nouvelle année record

Avec quelque 357.000m² de prise en occupation en 2021, le marché de l’immobilier de bureaux enregistre une seconde année record consécutive sur le sol luxembourgeois. Des chiffres qui restent toutefois à nuancer au regard des nombreuses prélocations enregistrées et du poids considérable des institutions européennes et autres admini­strations publiques au cours de l’année écoulée. En outre, le Luxembourg possède l’un des taux de vacances les plus faibles de l’Union européenne avec 3,6% en 2021 contre 4 % en 2020. Focus sur les chiffres de 2021 et sur les dernières tendances d’un marché de l’immobilier de bureaux en pleine mutation, entre des besoins géographiques pour s’adapter à une mobilité plus douce et des besoins d’aménagements et de constructions pour suivre une tendance ESG de plus en plus présente dans les stratégies des entreprises et des institutions.

2021 marque une nouvelle année record en matière de transactions pour le secteur de l’immobilier de bureaux. JLL Luxembourg a en effet enregistré, au cours de l’année écoulée, une prise en occupation représentant 356.993m². C’est 11% de plus qu’en 2020, la précédente année record. 77% de ce total sont constitués d’immeubles existants, 23% concernant des projets encore en cours.

De nombreux faits marquants sur le segment de l’immobilier de bureaux sont à pointer en 2021. Tout d’abord, on a constaté une hausse importante des sous-locations: 13.079m², soit plus du double par rapport à 2020. «Cela témoigne du fait que certains occupants possédant un bail en cours disposent d’un surplus d’espace pour leurs activités et en proposent une partie à d’autres entreprises. On peut clairement voir dans cette tendance une des conséquences du télétravail», estime Lofti Behlouli, directeur Office Agency chez JLL Luxembourg. «La sous-location est une tendance qui peut s’avérer attractive. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que, dans certains cas, cela requiert des aménagements qui peuvent être compliqués à mettre en œuvre et donc potentiellement coûteux, rappelle Muriel Sam, head of development pour Immobel Luxembourg. Recloisonner un open-space implique de nombreuses problématiques en termes de santé et de sécurité au travail ou de cybersécurité, notamment.»

Si l’on segmente la prise en occupation par secteur, on constate que ce sont les institutions européennes qui ont représenté la plus grosse part des transactions, avec une surface totale avoisinant les 150.000m² (42 %). Là encore, il s’agit d’un record absolu. Les mouvements enregistrés par deux grands acteurs expliquent notamment ce chiffre: le Parlement européen, qui occupe désormais son nouveau siège, le KAD II, au Kirchberg (127.000m²) et l’Office des publications, qui a pris ses quartiers dans l’immeuble Mercier (18m²00 m2), dans le quartier de la Gare.

Des espaces de travail repensés

Si le marché de l’immobilier de bureaux a fait preuve d’une certaine résilience au Luxembourg, il devra tout de même profondément évoluer pour répondre aux enjeux engendrés par la crise sanitaire.

« La pandémie a accéléré des tendances qui se profilaient déjà avant la crise. Je pense notamment au ‘hot desking’ (le bureau nomade, ndlr), au travail à distance ou au bureau décentralisé. Ces deux années de pandémie et de télétravail forcé ont tout de même mis en lumière le fait que le travail à distance n’était pas idéal. Le bureau est essentiel pour créer un esprit d’entreprise, rendre les gens productifs et créatifs. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir à quoi ressemblent les bureaux des entreprises IT de la Silicon Valley, celles-là mêmes qui ont inventé les outils de ­télécommunication… », explique Muriel Sam.

Afin d’identifier les nouvelles priorités en matière de travail, JLL a mené une enquête internationale. « La quête d’un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle arrive en première position des attentes (66 %) », indique Emna Rekik, head of tenant representation au sein de JLL. « Arrivent ensuite la garantie d’un salaire confortable (49 %), le fait de travailler dans une entreprise qui garantit le bien-être et la santé mentale et physique de ses salariés (46 %), et le besoin de trouver du sens dans son travail (44 %) ».

Pour répondre à ces nouveaux besoins, les entreprises vont donc devoir adapter leur espace de travail. « Selon notre enquête, la première attente des collaborateurs est de disposer de bureaux connectés à la nature. Il peut s’agir de jardins, d’espaces extérieurs ou de potagers partagés », détaille Pierre Joppart, head of work dynamics chez JLL Luxembourg. « En second lieu, les collaborateurs veulent disposer de lieux pour s’isoler, afin de prendre des appels privés, par exemple. Ils attendent ensuite d’avoir des espaces de socialisation (espaces café, lounges, terrasses, etc.) et des espaces d’apprentissage et de développement, pour suivre des formations, notamment. Enfin, ils aspirent à pouvoir profiter d’espaces collaboratifs, comme des thinking rooms. »

Les institutions luxembourgeoises ont quant à elles été un peu moins présentes que l’an passé. Elles ne représentent en effet que 16 % des ­transactions totales contre 27 % l’an dernier.

Le secteur des entreprises privées, qui représente 42 % du total des transactions en 2021, a encore une fois été poussé par la prise en occupation ou la prélocation d’acteurs de la finance: BGL BNP Paribas, qui a préloué une extension de 18.300m2 de son siège actuel aux confins du Kirchberg, la Société Générale, qui a signé pour 17.303m2 dans le projet Icône à Belval, et enfin Union Investment, qui occupe ses nouveaux locaux de 10.700m2 à l’aéroport.

En ce qui concerne l’évolution des quartiers, le poids du Kirchberg dans la prise en occupation totale passe de 25 à 45 %. Si la part de Belval grimpe à 9% (contre 3% en 2020), celle de City Belt chute de 23% à 8% en 2021.

S’élevant à 4% l’an passé, le taux de vacance s’est contracté au cours de l’année écoulée pour atteindre 3,6%. «Cette baisse du taux de vacance est notamment due aux taux de prélocation et de prévente élevés ainsi qu’à l’offre qui reste faible au Luxembourg», explique Lofti Behlouli, qui rappelle aussi que le Luxembourg possède l’un des taux de vacance les plus faibles d’Europe. En moyenne, dans l’Union européenne, celui-ci est en effet plus de deux fois plus élevé (7,6%). «Ce faible taux de vacance par rapport à d’autres capitales européennes limite les fluctuations à la baisse du prix au mètre carré. Pour les clients institutionnels qui ont des centaines de millions d’euros à investir dans l’immobilier, le Luxembourg devient par conséquent plus attractif par rapport à des Places où les fluctuations sont plus importantes, à l’image de Paris, Bruxelles ou Francfort. Si l’immobilier est de manière générale une valeur refuge, au Luxembourg, il l’est encore plus», indique Muriel Sam.

Le boom des immeubles « verts »

 

Parmi les nouvelles tendances en développement au Luxembourg, on notera également la montée en puissance des immeubles possédant une certification verte. Ainsi, selon des statistiques récoltées auprès de l’association BREEAM et de DGNB – deux organismes délivrant des certifications vertes –, environ 800.000m² de surfaces de bureaux sont aujourd’hui certifiés « vertes » au Luxembourg. Cela représente 18 % du parc de bureaux actuel. Cette tendance devrait toutefois s’amplifier dans les années à venir puisque, sur les quelque 385.000m² actuellement en construction, 313.000m² ont déjà fait l’objet d’une demande de certification verte.

Symbole de cet intérêt pour l’« immeuble vert », de plus en plus d’organismes et labels de certification se développent sur le marché (BREEAM, DGNB, HQE, CO2-Neutral, WELL, etc.). Mais être certifié implique-t-il une attractivité renforcée pour les occupants, voire des loyers plus élevés ? « Il est certain que les certifications vertes sont devenues indispensables pour répondre aux défis des parties prenantes en matière de RSE. Le sésame vert fait entièrement partie des critères de sélection d’un occupant. Le lien entre certification et loyer n’est pas à faire directement, l’analyse s’effectue surtout sur le coût total d’occupation, du point de vue de l’occupant », explique Lofti Behlouli.

Source: Paperjam publiée le 8 mars 2022